
Peire / Pierre Lallet (1926-1994)
Né à Château-Chervix (87) de famille paysanne pauvre, il y fera carrière comme instituteur à partir de 1950.
Sa vie fut partagée entre son école et sa commune, au service de laquelle il fut durant plus de quarante ans, d’abord conseiller municipal puis maire-adjoint, et enfin maire.
Une vie riche, bien remplie, un homme extraordinaire, amoureux de son territoire et de son village, ouvert sur le monde et sur les gens, « sa gent ».
Pédagogue passionné et reconnu, il était un instituteur adoré des enfants – « Être dans la classe de Pierre Lallet, c’était déjà un cadeau » disent les anciens. Pour lui, la pédagogie ne pouvait s’envisager coupée du monde réel. Aussi celui-ci entrait-il tout naturellement dans l’apprentissage : créations manuelles avec le châtaignier, enquêtes sur les traditions et savoir-faire des paysans, feuillardiers, bûcherons, jeux, contes et histoires sans oublier leur langue...
Peire Lallet avait peu à peu pris conscience de ce que représentait cette langue, sa langue, l’occitan, et toutes les richesses dont elle était porteuse.
Il se mit à l’écrire, il collaborait régulièrement au journal l’Écho du centre où il publiait « Las cronicas de la familha M’as-tu-vist » (les chroniques de la famille M’as-tu-vu, publiées par La Clau lemosina en 1997). L’aubre solet (l’arbre seul, Ed. IEO, 1993), recueil de nouvelles, marquera la littérature occitane limousine du XXe siècle et recevra le Prix Paul Froment, décerné à un écrivain occitan. En septembre 2008, Jan dau Melhau édite une sélection de son « journal » où l’on peut découvrir avec délectation 120 chroniques, contes et nouvelles rédigés chaque jour de 1988.
Divendres 8 de julhet
Minauds... minauds... los chastenhs comencen de minaudar.
Los vielhs bòscs rampelen de branchas charjadas de minauds. E las ’belhas brunden sus la fuelha e la flor que lo vent de l’estiu balandessa.
Rosseu sus verd, rai de solelh, ciau bluet, julhet s’esclarsis sus la jauta de la sason d’esbela. Lo mandin ritz de sas bochas trasdreibidas ; la rosada de la pica s’espasia ; lo jorn geta sa clardat sus la nivol de la nuech... Blanc sus bluet, rosseu sus blanc, poncha esdaurada. Marcha mon pitit, la jornada es per te mai per tots.
Veiquí la tortolon que roco-rocona tras son niu de quatre brochons ; veiquí lo lauriòu qu’estufla sa prumiera cireisa ; veiquí la miaula que miauna en virar sus la prada... e la ’jaça que bargassa, e lo jai plumet levat sus son ga-gai.
D’enlaens monta lo rund d’un pelador, corsa de l’òme que fugis en pigonhar sas pedalas, en butir sos levadors, en chauchar son menador : « Que vai-t-eu, mas que vai-t-eu bolegar d-enguera ? »
D’ensus monta – o davala – la credada d’una mair-femna que ’pela « Lolop !... Lolop !... » sa chena segur, per corsar quauqua òvelha auseliera.
Tot es dins l’òrdre... Lo Lemosin viu d-enguera.Vendredi 8 juillet
Chatons... chatons... les châtaigniers commencent à fleurir.
Les vieux bois surabondent de branches chargées de chatons. Et les abeilles bourdonnent sur les feuilles et les fleurs que le vent de l’été balance.
Jaune sur vert, rayon de soleil, ciel bleu, juillet s’éclaire sur la joue de la belle saison. Le matin rit de ses bouches entrouvertes ; la rosée de l’aurore prend ses aises ; le jour jette sa lumière sur la nue de la nuit... Blanc sur bleu, jaune sur blanc, pointe dorée. Marche, mon petit, marche, la journée est pour toi et pour tous.
Voici la tourterelle qui roucou-roucoule près de son nid de quatre brindilles ; voici le loriot qui siffle sa première cerise ; voici le milan qui miaule en tournant sur le pré... et la pie qui jacasse, et le geai plumet levé sur son « ga-gai ».
De là-bas monte le bruit d’un tracteur, course de l’homme qui fuit en pressant ses pédales, en poussant ses leviers, en serrant son volant : « Que va-t-il, mais que va-t-il encore bouleverser ? »
De là-haut monte – ou descend – le cri d’une mère-femme qui appelle « Loulou !... Loulou !... » sa chienne sans doute, pour courser quelque brebis capricieuse.
Tout est dans l’ordre... le Limousin vit encore.[Traduction Jan dau Melhau.]
En segre lo jornau per l’an 1988 dau Peire Lallet, p. 102, Ed. dau Chamin de sent Jaume, 2008 – en occitan.