Pifres (libre + CD)

Résumé

Xavier Vidal et Guilhem Boucher expliquent leur démarche dans un texte de présentation : à la suite d’une publication sur l’amboesa (cf. Pastel n°67) et aux actions du collectif Fifres du Quercy, se ressent le désir de faire le point sur les connaissances un peu éparses autour du fifre, bien connu dans le Bazadais, un peu dans la région de Moissac et en différents autres endroits. Le mot pifre revient souvent dans les mémoires, de manière plus ou moins informée car sa signification est vague, ou parfois plus précise. Rassemblant les connaissances et compétences des amis, élèves ou connaissances gravitant autour d’eux, nos deux personnages décident alors de proposer ce document qui étend son domaine jusqu’au Massif Central, voire jusqu’au… Brésil, comme on le verra bientôt.

Voici donc un recueil de textes de types divers : pour le Quercy, enquêtes et collectages, anthologies de textes d’auteurs évoquant l’instrument, que ce soit sous forme poétique avec Antoine Cazes ou Auguste Quercy, poètes locaux discrets, ou personnalités illustres tel Antonin Perbosc, tous attachés à leur parler d’oc. Mais ce n’est qu’un début : on poursuit dans cet aimable fourre-tout qui échappe à toute idée de classification raisonnée, mais invite le lecteur à regarder dans une série de fenêtres, ou à se laisser errer dans les méandres du cahier au graphisme plaisant et aux douces couleurs noire, grise et vert d’eau, mettant en valeur de vieilles photos ou divers documents d’archive. C’est d’ailleurs si « reposant » que le gris pâle de certains textes met les yeux fatigués à rude épreuve… Une fois lus les témoignages des pifraires Robert Blanc et Christian Mage, voici Xavier Vidal qui se livre à une intéressante enquête sur les pratiques anciennes en Tarn-et-Garonne et dans le Lot, puis Jean-Marc Delaunay qui propose d’inattendues informations sur les fifres en Auvergne et Limousin… que rajouter ? Un petit portrait de Guillaume Lopez, et enfin, en guise de vacances de fin d’ouvrage, une virée dans le Nordeste et la province de Bahia, en compagnie du plus brésilien des pifraires en la personne de Carlos Valverde. Il reste bien sûr à évoquer le disque, qui aurait presque pu se suffire à lui-même : on y entend le fifre dans divers états, le plus souvent avec une couleur simple et naturelle, purement traditionnelle pourrait-on affirmer : seul, en duo, en duo accompagné des tambours. On y joint aussi la vielle, le violon, le tuba ou la voix, à moins que le fifre se taise pour laisser la place à la caramela, au hautbois, à la cornemuse, à la clarinette ou au chant à répondre. En prime, on aura la touche exotique de Carlos Valverde qui offre un arrangement dans le style des Pifanos sur le rondeau La Gala. Il serait long de citer tous les participants : les auteurs des articles et des enquêtes, bien sûr, mais aussi de vieilles connaissances qui se sont jointes à la fête : Guillaume Lopez, Guillaume Roussilhe, Christian Vieussens… et une dizaine d’autres.

Alors que la publication sur l’amboesa conservait un aspect didactique évident - une série d’airs jouée sur deux hautbois et tous transcrits dans la plaquette jointe, dont l’unique destination était de créer un support noté au répertoire enregistré -, Pifres donne l’impression d’une réalisation « plaisir », dont l’unique ambition est d’immerger le lecteur et l’auditeur dans une flânerie enrichissante mais à aucun moment contrainte. D’où une série de documents à appréhender de manière impressionniste, sans guide tyrannique mais faisant confiance à l’imagination de chacun pour réordonner à sa guise ce puzzle finalement si cohérent.

Jean-Christophe Maillard