Marcela Delpastre (1925-1998)
est née, a vécu et est morte dans la ferme de ses parents, à Germont de Chamberet en Limousin. D’une famille paysanne, elle a continué à cultiver la terre et élever ses vaches, tout en ressentant très tôt le besoin incessant d’écrire.
Elle laisse une œuvre imposante, d’ordre essentiellement poétique, une poésie conjuguée à tous les modes – ballade, psaume, poème dramatique, prose poétique –, dans ses deux langues, occitan et français.
Son travail poétique, original et dense, ne doit pas nous faire oublier le reste, en particulier les sept gros volumes de ses mémoires, et ses nombreux écrits autour de la culture populaire limousine, allant du simple recueil d’information à l’analyse ethnographique : contes et récits, rites et coutumes, savoirs et savoir-faire…
Marcela Delpastre figure parmi les grandes voix occitanes du XXe siècle.
Le recueil en cinq tomes Paraulas per questa terra regroupe environ 400 poèmes bâtis sur le modèle des psaumes. Une ode à la terre, ses beautés et ses mystères, un hymne à la création et son cycle permanent de mort et de (re)naissance, une méditation sur la vie, la mort, les malheurs des hommes et le travail du poète.
L’auseu de vent
Quala sason que siá, i a totjorn quauque auseu per te dire qu’es jorn, que lo solelh se leva.
Trida, merle o cocut, i a totjorn quauque auseu per anonciar la nuech, per davançar l’auba.
I a totjorn quauque auseu per te dire lo temps, l’auratge, lo solelh que la nivol te rauba.
Que siaja la prima o lo priond de l’ivern. I a totjorn per te dire, la calha, que lo blat es madur,
e per te far creire au bonaür, la perditz en la bruja qu’apela.
E quel auseu de vent, subran,
que te traucha lo còr, tal un coteu de giau – per saber que l’ora es ‘ribada.L’oiseau de vent
Quelle que soit la saison, il y a toujours quelque oiseau pour te dire qu’il est jour, que le soleil se lève.
Grive, merle, coucou, il y a toujours quelque oiseau pour annoncer la nuit, pour devancer l’aube.
Il y a toujours quelque oiseau pour te dire le temps, l’orage, le soleil que la nuée te dérobe.
Que ce soit le printemps ou le coeur de l’hiver. Il y a toujours pour te dire, la caille que le blé est mûr,
et pour que tu croies au bonheur, la perdrix qui appelle sous la bruyère.
Et cet oiseau de vent, soudain,
qui te traverse le coeur, tel un couteau de gel – afin que tu saches que l’heure est venue.
Marcela Delpastre, Paraulas per questa terra I, p.28-31, Ed. dau Chamin de sent Jaume, 1997.